Dossier

Les instruments à cordes

03/05/2007 2007-05-03 12:00:00 KoME Auteur : Loic

Les instruments à cordes

Présentation des principaux instruments japonais à cordes.


© Tanja
(Légende de la photo : Joueuses de koto. Photo prise par Tanja au Gion Corner, théâtre situé dans le quartier Gion de Kyôto et réputé pour sa pratique des traditions.)

Les instruments à cordes sont les favoris du Japon et considérés comme faisant partie des plus nobles depuis au moins l’Antiquité, ce qui explique sans doute que les instruments japonais les plus connus à l’étranger se rattachent à cette catégorie (koto, biwa, shamisen…). On pourrait dénombrer pas moins de vingt-quatre instruments à cordes au Japon, dérivant de modèles coréens, chinois, ainsi que de l’Orient antique, sous des formes variées : harpes, cithares, luths… Nous vous proposons ci-après une présentation succincte des plus connus.


Instruments présentés :
Cordes pincées
1) Wagon
2) Koto
3) Biwa

Cordes frottées
4) Shamisen
5) Kokyû

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1) Wagon (ou Yamato-goto) - 和琴
(Cordes pincées)
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Origine : Le wagon est une cithare, certainement dérivée d’un modèle coréen, bien que les Japonais le revendiquent comme indigène. Il apparaît sur l’archipel peut-être vers le Ve siècle, en tout cas avant le VIIe siècle.

Caractéristiques : De forme oblongue, sa caisse est percée de deux ouvertures de résonance, et il porte des chevalets mobiles en forme de V inversé. Il comporte six cordes, qui sont le symbole de son origine légendaire, à savoir, six arcs liés ensemble.

Le jeu : On en joue muni d’un plectre de corne, de la main droite, en faisant vibrer les cordes en accord : la main gauche est chargée de faire cesser la vibration des cordes dont on veut éteindre le son. Le wagon peut être utilisé également comme instrument mélodique, lorsque l’on délaisse la technique des accords – on substitue alors le plectre à un ou plusieurs doigts de la main gauche.

Usage : Le wagon est donc utilisé à la fois pour un rendu mélodique et pour un rendu harmonique, et sert principalement à l’accompagnement des kagura, danses sacrées du Shintô*.

De nos jours, l’instrument peut être entendu au sein du sanctuaire shintô d’Asuka.
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2) Koto -
(Cordes pincées)
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Origine : Il s’agit en fait d’un mot générique définissant tous les instruments à corde du type de la cithare. Les premiers modèles sont très certainement venus de Chine et de Corée, vers le VIIe siècle avec notamment le wagon évoqué ci-dessus ou encore le kudara-koto (sorte d’harpe angulaire venue de Corée) comme premiers exemples. Les nombreux modèles – on peut en compter au moins vingt-trois – ont subi de nombreuses transformations et variations selon les époques.

Caractéristiques : Le nombre de cordes a sensiblement varié selon les époques et les modèles, cependant les instruments actuels en compte généralement treize, faites de soie. Il s’agit d’un instrument assez imposant, puisque sa caisse de résonance est longue en moyenne de 190 cm, large de 22 à 48 cm, pour une épaisseur d’un peu plus de 5 cm. Cette caisse se compose en fait d’un couvercle bombé formant table d’harmonie et d’un fond plat percé de deux ouvertures qui jouent le rôle d’ouïes et libèrent le son sous l’instrument.
Les cordes de soie (amidonnées ou cirées) sont fixées sur un grand chevalet qui traverse la table, et passent à l’autre extrémité sur un second chevalet, plus petit. Elles sont en fait tendues de manière égale : pour définir leur tonalité propre et obtenir l’accord de la gamme choisie, on glissera dessous un petit chevalet mobile, les koto possédant des frettes mobiles à cet effet.
Taillé dans le bois, le koto est noble, précieux et coûteux : il inonde de sa présence la littérature de toutes les époques et les comparaisons poétiques sur son apparence et sa sonorité ne manquent pas. Les différentes parties de l’instrument se voient d’ailleurs attribuées des noms imagés, tels que la mer (umi) pour la partie supérieure de la table d’harmonie, le nuage (kumo) pour son long chevalet de gauche, ou encore la lune (tsuki) pour la cavité du dessus.

Jeu : On joue traditionnellement du koto en le posant sur les tatamis ; depuis peu, on peut cependant le trouver surélevé sur une table basse, devant laquelle on s’agenouille à la japonaise. On pince les cordes à l’aide de koto-tsume, sorte d’ongles artificiels de diverses matières (bambou, ivoire, plastique…), placés sur trois doigts d’une main, pendant que l’autre exerce une pression étudiée sur les cordes, dans le but de modifier la tonalité du son rendu. Le jeu contemporain est beaucoup plus libre en expression personnelle que par le passé et exige une grande dextérité, souvent entretenue par un entraînement intense et difficile.

Usage et sonorité : D’abord instrument de l’orchestre de Cour (le Gagaku*) au sein duquel il ne fournit que des arpèges soulignant la mélodie, le koto devient soliste à compter du IXe siècle. Il connaît un engouement exceptionnel par la suite, devenant le mode de conversation galante de l’élite pendant la période Heian ou le soutien aux légendes contées au cours du Moyen Âge japonais. Le son du koto est en effet varié, dépendant de la virtuosité de l’exécutant qui peut lui faire exprimer aussi bien une bruine d’arpèges que le ruisseau d’une harpe. Il reste l’instrument principal de la musique instrumentale savante.

Les principaux types de koto encore en usage :
- Le sô no koto, adapté à la musique chinoise, de 12, 13 ou 25 cordes.
- L’ikuta-koto, plus délicat, joué généralement par des solistes femmes dans l’Ouest du Japon.
- Le yamada-koto, plus robuste, joué par les musiciens professionnels.

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Biwa - 琵琶
(Cordes pincées)
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Origine : Cette sorte de luth à frettes, d’origine chinoise (même si certainement venue d’Inde), arrive au Japon vers l’époque de Nara, aux environs du VIIIe siècle, même si de nombreux modèles se sont distingués par la suite selon les époques.

Caractéristiques : Avec son corps en forme de poire et son manche court, la forme caractéristique du biwa a donné son nom au plus grand lac du Japon. On compte en général quatre à cinq cordes, faites de boyau ou de soie ; la caisse est, elle, de taille variable. Sa partie supérieure est percée de deux ouïes en croissant. On trouve différents types de biwa, dont les principaux sont :
- Le gaku-biwa : il comporte quatre frettes et quatre cordes, que l’on attaque avec un petit plectre d’os, différent de ceux des autres biwa. On en joue sur le sol, l’instrument incliné entre les jambes de l’exécutant assis à la japonaise. Le style est presque exclusivement percussif, et le son, riche et sonore. Son nom vient du fait qu’il était le modèle utilisé pour la musique de Cour, le Gagaku*. Les derniers exemplaires sont conservés au Shôsô-in de Nara.
- Le heike-biwa : il s’agit du plus petit des biwa, qui comporte quatre cordes, cinq frettes, et qui est joué entre les frettes, avec un plectre plus large. Son répertoire lui a donné son nom : en effet, les récitants du Heike Monogatari (ouvrage narrant les batailles légendaires d'un clan guerrier) s’accompagnaient à partir du XIVe siècle de ce modèle.
- Le satsuma-biwa : transformé dans la province du même nom, il possède quatre cordes et quatre frettes. Sa particularité vient du fait que ces dernières sont très hautes et inégalement réparties. On en joue au moyen d’un très large et mince plectre de bois, qui heurte la caisse, frappe ou accroche les cordes. Ce biwa est tenu droit, posé sur les genoux de l’exécutant.
- Le môsô-biwa : tenant encore une fois son nom d’une province, il s’agit du plus petit modèle, à quatre cordes (parfois cinq) et cinq frettes, joué avec un petit plectre épais, dur et renforcé dans les angles d’attaque. On en joue en biais, au dessus des frettes, assis à la japonaise et dans la position du guitariste.

Jeu : Comme spécifié dans le paragraphe précédent, le jeu de la biwa dépend du modèle – cependant, chaque école introduit également une façon propre de jouer ou de tenir l’instrument : il en ressort évidemment des règles d’accords différentes et un rendu propre à chaque école. Une des caractéristiques du jeu du biwa est ce qu’on nomme le sawari : il s’agit d’un bourdonnement produit par un jeu entre les cordes et les frettes, qui permet des variations sonores subtiles et souvent spontanées et fugaces. On retrouve cette technique du sawari dans d’autres instruments japonaise proche de la luth.

Usage et sonorité : A son arrivé, le biwa se voit invité à participer à la musique de Cour, le Gagaku*, mais se retrouve quasi-abandonné lorsque vient Heian. L’instrument est ensuite adopté au XIVe siècle par les religieux (qui utilisent des môsô-biwa), puis par les narrateurs de légendes (qui utilisent des heike-biwa), certainement pour sa musicalité plaintive. Le son est en effet assez percussif (caisse frappée), sonore et vibratoire, pouvant produite un son net et placé – en général, le biwa paraît peu harmonieux à l’oreille moderne.

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Shamisen - 三味線
(Cordes frottées)
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Origine : Sorte de luth à caisse de résonance, le shamisen vient de Chine, où il était fabriqué en peau de serpent, après avoir traversé les îles Ryûkyû. Il est transformé sur l’archipel aux environs de 1560, où l’on optera cette fois pour la peau de chat en guise de membrane, ou à défaut pour celle de chien pour les instruments plus modestes. Le jabisen, shamisen des îles Okinawa, perpétue néanmoins l’emploi de peau de serpent.

Caractéristiques : Constitué d’un long manche, d’une caisse de résonance et de trois cordes de grosseur différentes, faites en soie torsadée (ou parfois en nylon), cet instrument de forme gracieuse est le plus répandu et le plus populaire des instruments à cordes japonais, certainement dû au fait qu’il est le moins coûteux à produire. Ses dimensions moyennes sont les suivantes : 19,70 cm x 17,50 cm x 8 cm pour la caisse, 80 cm pour le manche et 7,5 cm pour les clés ou chevilles. Cependant, celles-ci peuvent varier sensiblement selon les modèles. On en distingue trois principaux :
- futozao (un grand shamisen à col épais)
- chuzao (un shamisen moyen à col normal)
- hosozao (un shamisen léger, à col mince)
Le long manche du shamisen est parfois démontable, en trois parties. Une demi-lune est souvent apposée sur la membrane supérieure : il s’agit en fait d’une pièce collée pour protéger des coups de plectre.

Jeu et sonorité : On en joue le plus souvent muni d’un plectre fait d’ivoire ou de bois, d’autant plus lors de l’accompagnement de chansons populaires. N’ayant pas de frettes, les effets produits par l’instrument tiennent principalement de techniques : le plus particulier de ces effets, similaire à celui déjà évoqué pour le biwa, est la résonance du sawari. D’autre part, le shamisen se distingue par ses trois accords établis :
- Honchôshi (accord solennel, noble).
- Niagari (accord joyeux, brillant).
- Sansagari (accord mélancolique).

Usage : Le shamisen est avant tout un instrument d’accompagnement du chant, que celui-ci soit à portée fortement narrative (katarimono) ou mélodique (utamono). Populaire, son jeu peut être entendu au Bunraku*, au Kabuki* ou dans divers lieux de divertissement.

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Kokyû - 胡弓
(Cordes frottées)
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Origine : Inspiré d’un instrument chinois à trois cordes importé à Edo vers 1720, il gagne cependant une quatrième corde lors de son arrivé au Japon. On peut le considérer comme un simple dérivé avec archet du shamisen, quand d’autres évoquent aussi des rumeurs d’influences d’instruments occidentaux introduits au Japon par les Portugais.

Caractéristiques : Proche du shamisen par sa forme, l’instrument est par contre de dimensions un peu plus modestes, puisqu’il mesure en général 69 cm. On qualifiera le kokyû de vièle, étant le seul instrument japonais à être frotté avec un archet. Sa caisse est carrée ; le fond et la table étaient à l’origine des membranes collées sur les bords, faites de peau de serpent, avant que la peau de chat ne soit utilisée, comme pour le shamisen. Le manche est fixé au milieu de la paroi supérieure de la caisse de résonance.
L’archet utilisé pour en jouer est en bois dur, avec un arc démontable.

Jeu : Il est un peu semblable à celui d’un petit violoncelle : l’artiste est assis sur les talons et tient le kokyû droit, ce dernier reposant sur une pique métallique et devant être basculé autour de cet axe de manière à présenter les cordes à l’archet. L’instrument était à l’origine prévu pour être transporté assez fréquemment. Les crins de l’archet étant très lâches, ils sont tendus par les doigts : cette caractéristique permet de fournir des effets variables de tensions qui se conjuguent à ceux obtenus par l’étirement choisi pour les cordes à travers le chevalet, très mince et très haut.
Il partage deux accords avec le shamisen, le sansagari et parfois le niagari (voir jeu du shamisen), mais n’utilise jamais le honchôshi, son accord classique.

Sonorité et usage : Le kokyû possède un timbre proche de celui du violon, même si moins étendu, et sa sonorité est plutôt aiguë. Cela en fait un excellent soutien du chant, permettant reprises mélodiques et illustrations émotives aussi vives que subites, par son vibrato assez ample. Il a ainsi longtemps été l’instrument favori des musiciens ambulants, qu’il s’agisse de groupes populaires ou de prêtes itinérants. Il s’agit également d’un ancien instrument de l’ensemble Sankyoku*, où il a été supplanté par le shamisen. Il a toujours sa place au sein de l'orchestre du Geza*, où il est surtout utilisé comme instrument d’époque ou d’atmosphère dans des scènes du Kabuki* et du Bunraku*; on le retrouve également en tant qu'instrument de divertissement dans certains banquets.






* Ces termes, qui se référent à différents genres musicaux appartenant au domaine de la musique traditionnelle japonaise, font l’objet d’une présentation spécifique dans la troisième partie de ce dossier, « Les différents genres musicaux de la musique traditionnelle japonaise». Nous vous invitons donc à consulter la partie concernée pour plus d’informations.
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