Présentation des principaux instruments japonais à cordes.
(Légende de la photo : Joueuses de koto. Photo prise par Tanja au Gion Corner, théâtre situé dans le quartier Gion de Kyôto et réputé pour sa pratique des traditions.)
Les instruments à cordes sont les favoris du Japon et considérés comme faisant partie des plus nobles depuis au moins lAntiquité, ce qui explique sans doute que les instruments japonais les plus connus à létranger se rattachent à cette catégorie (koto, biwa, shamisen
). On pourrait dénombrer pas moins de vingt-quatre instruments à cordes au Japon, dérivant de modèles coréens, chinois, ainsi que de lOrient antique, sous des formes variées : harpes, cithares, luths
Nous vous proposons ci-après une présentation succincte des plus connus.
Instruments présentés :
Cordes pincées
1) Wagon
2) Koto
3) Biwa
Cordes frottées
4) Shamisen
5) Kokyû
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1) Wagon (ou Yamato-goto) - 和琴
(Cordes pincées)
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Origine : Le wagon est une cithare, certainement dérivée dun modèle coréen, bien que les Japonais le revendiquent comme indigène. Il apparaît sur larchipel peut-être vers le Ve siècle, en tout cas avant le VIIe siècle.
Caractéristiques : De forme oblongue, sa caisse est percée de deux ouvertures de résonance, et il porte des chevalets mobiles en forme de V inversé. Il comporte six cordes, qui sont le symbole de son origine légendaire, à savoir, six arcs liés ensemble.
Le jeu : On en joue muni dun plectre de corne, de la main droite, en faisant vibrer les cordes en accord : la main gauche est chargée de faire cesser la vibration des cordes dont on veut éteindre le son. Le wagon peut être utilisé également comme instrument mélodique, lorsque lon délaisse la technique des accords on substitue alors le plectre à un ou plusieurs doigts de la main gauche.
Usage : Le wagon est donc utilisé à la fois pour un rendu mélodique et pour un rendu harmonique, et sert principalement à laccompagnement des kagura, danses sacrées du Shintô*.
De nos jours, linstrument peut être entendu au sein du sanctuaire shintô dAsuka.
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2) Koto - 琴
(Cordes pincées)
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Origine : Il sagit en fait dun mot générique définissant tous les instruments à corde du type de la cithare. Les premiers modèles sont très certainement venus de Chine et de Corée, vers le VIIe siècle avec notamment le wagon évoqué ci-dessus ou encore le kudara-koto (sorte dharpe angulaire venue de Corée) comme premiers exemples. Les nombreux modèles on peut en compter au moins vingt-trois ont subi de nombreuses transformations et variations selon les époques.
Caractéristiques : Le nombre de cordes a sensiblement varié selon les époques et les modèles, cependant les instruments actuels en compte généralement treize, faites de soie. Il sagit dun instrument assez imposant, puisque sa caisse de résonance est longue en moyenne de 190 cm, large de 22 à 48 cm, pour une épaisseur dun peu plus de 5 cm. Cette caisse se compose en fait dun couvercle bombé formant table dharmonie et dun fond plat percé de deux ouvertures qui jouent le rôle douïes et libèrent le son sous linstrument.
Les cordes de soie (amidonnées ou cirées) sont fixées sur un grand chevalet qui traverse la table, et passent à lautre extrémité sur un second chevalet, plus petit. Elles sont en fait tendues de manière égale : pour définir leur tonalité propre et obtenir laccord de la gamme choisie, on glissera dessous un petit chevalet mobile, les koto possédant des frettes mobiles à cet effet.
Taillé dans le bois, le koto est noble, précieux et coûteux : il inonde de sa présence la littérature de toutes les époques et les comparaisons poétiques sur son apparence et sa sonorité ne manquent pas. Les différentes parties de linstrument se voient dailleurs attribuées des noms imagés, tels que la mer (umi) pour la partie supérieure de la table dharmonie, le nuage (kumo) pour son long chevalet de gauche, ou encore la lune (tsuki) pour la cavité du dessus.
Jeu : On joue traditionnellement du koto en le posant sur les tatamis ; depuis peu, on peut cependant le trouver surélevé sur une table basse, devant laquelle on sagenouille à la japonaise. On pince les cordes à laide de koto-tsume, sorte dongles artificiels de diverses matières (bambou, ivoire, plastique
), placés sur trois doigts dune main, pendant que lautre exerce une pression étudiée sur les cordes, dans le but de modifier la tonalité du son rendu. Le jeu contemporain est beaucoup plus libre en expression personnelle que par le passé et exige une grande dextérité, souvent entretenue par un entraînement intense et difficile.
Usage et sonorité : Dabord instrument de lorchestre de Cour (le Gagaku*) au sein duquel il ne fournit que des arpèges soulignant la mélodie, le koto devient soliste à compter du IXe siècle. Il connaît un engouement exceptionnel par la suite, devenant le mode de conversation galante de lélite pendant la période Heian ou le soutien aux légendes contées au cours du Moyen Âge japonais. Le son du koto est en effet varié, dépendant de la virtuosité de lexécutant qui peut lui faire exprimer aussi bien une bruine darpèges que le ruisseau dune harpe. Il reste linstrument principal de la musique instrumentale savante.
Les principaux types de koto encore en usage :
- Le sô no koto, adapté à la musique chinoise, de 12, 13 ou 25 cordes.
- Likuta-koto, plus délicat, joué généralement par des solistes femmes dans lOuest du Japon.
- Le yamada-koto, plus robuste, joué par les musiciens professionnels.
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Biwa - 琵琶
(Cordes pincées)
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Origine : Cette sorte de luth à frettes, dorigine chinoise (même si certainement venue dInde), arrive au Japon vers lépoque de Nara, aux environs du VIIIe siècle, même si de nombreux modèles se sont distingués par la suite selon les époques.
Caractéristiques : Avec son corps en forme de poire et son manche court, la forme caractéristique du biwa a donné son nom au plus grand lac du Japon. On compte en général quatre à cinq cordes, faites de boyau ou de soie ; la caisse est, elle, de taille variable. Sa partie supérieure est percée de deux ouïes en croissant. On trouve différents types de biwa, dont les principaux sont :
- Le gaku-biwa : il comporte quatre frettes et quatre cordes, que lon attaque avec un petit plectre dos, différent de ceux des autres biwa. On en joue sur le sol, linstrument incliné entre les jambes de lexécutant assis à la japonaise. Le style est presque exclusivement percussif, et le son, riche et sonore. Son nom vient du fait quil était le modèle utilisé pour la musique de Cour, le Gagaku*. Les derniers exemplaires sont conservés au Shôsô-in de Nara.
- Le heike-biwa : il sagit du plus petit des biwa, qui comporte quatre cordes, cinq frettes, et qui est joué entre les frettes, avec un plectre plus large. Son répertoire lui a donné son nom : en effet, les récitants du Heike Monogatari (ouvrage narrant les batailles légendaires d'un clan guerrier) saccompagnaient à partir du XIVe siècle de ce modèle.
- Le satsuma-biwa : transformé dans la province du même nom, il possède quatre cordes et quatre frettes. Sa particularité vient du fait que ces dernières sont très hautes et inégalement réparties. On en joue au moyen dun très large et mince plectre de bois, qui heurte la caisse, frappe ou accroche les cordes. Ce biwa est tenu droit, posé sur les genoux de lexécutant.
- Le môsô-biwa : tenant encore une fois son nom dune province, il sagit du plus petit modèle, à quatre cordes (parfois cinq) et cinq frettes, joué avec un petit plectre épais, dur et renforcé dans les angles dattaque. On en joue en biais, au dessus des frettes, assis à la japonaise et dans la position du guitariste.
Jeu : Comme spécifié dans le paragraphe précédent, le jeu de la biwa dépend du modèle cependant, chaque école introduit également une façon propre de jouer ou de tenir linstrument : il en ressort évidemment des règles daccords différentes et un rendu propre à chaque école. Une des caractéristiques du jeu du biwa est ce quon nomme le sawari : il sagit dun bourdonnement produit par un jeu entre les cordes et les frettes, qui permet des variations sonores subtiles et souvent spontanées et fugaces. On retrouve cette technique du sawari dans dautres instruments japonaise proche de la luth.
Usage et sonorité : A son arrivé, le biwa se voit invité à participer à la musique de Cour, le Gagaku*, mais se retrouve quasi-abandonné lorsque vient Heian. Linstrument est ensuite adopté au XIVe siècle par les religieux (qui utilisent des môsô-biwa), puis par les narrateurs de légendes (qui utilisent des heike-biwa), certainement pour sa musicalité plaintive. Le son est en effet assez percussif (caisse frappée), sonore et vibratoire, pouvant produite un son net et placé en général, le biwa paraît peu harmonieux à loreille moderne.
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Shamisen - 三味線
(Cordes frottées)
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Origine : Sorte de luth à caisse de résonance, le shamisen vient de Chine, où il était fabriqué en peau de serpent, après avoir traversé les îles Ryûkyû. Il est transformé sur larchipel aux environs de 1560, où lon optera cette fois pour la peau de chat en guise de membrane, ou à défaut pour celle de chien pour les instruments plus modestes. Le jabisen, shamisen des îles Okinawa, perpétue néanmoins lemploi de peau de serpent.
Caractéristiques : Constitué dun long manche, dune caisse de résonance et de trois cordes de grosseur différentes, faites en soie torsadée (ou parfois en nylon), cet instrument de forme gracieuse est le plus répandu et le plus populaire des instruments à cordes japonais, certainement dû au fait quil est le moins coûteux à produire. Ses dimensions moyennes sont les suivantes : 19,70 cm x 17,50 cm x 8 cm pour la caisse, 80 cm pour le manche et 7,5 cm pour les clés ou chevilles. Cependant, celles-ci peuvent varier sensiblement selon les modèles. On en distingue trois principaux :
- futozao (un grand shamisen à col épais)
- chuzao (un shamisen moyen à col normal)
- hosozao (un shamisen léger, à col mince)
Le long manche du shamisen est parfois démontable, en trois parties. Une demi-lune est souvent apposée sur la membrane supérieure : il sagit en fait dune pièce collée pour protéger des coups de plectre.
Jeu et sonorité : On en joue le plus souvent muni dun plectre fait divoire ou de bois, dautant plus lors de laccompagnement de chansons populaires. Nayant pas de frettes, les effets produits par linstrument tiennent principalement de techniques : le plus particulier de ces effets, similaire à celui déjà évoqué pour le biwa, est la résonance du sawari. Dautre part, le shamisen se distingue par ses trois accords établis :
- Honchôshi (accord solennel, noble).
- Niagari (accord joyeux, brillant).
- Sansagari (accord mélancolique).
Usage : Le shamisen est avant tout un instrument daccompagnement du chant, que celui-ci soit à portée fortement narrative (katarimono) ou mélodique (utamono). Populaire, son jeu peut être entendu au Bunraku*, au Kabuki* ou dans divers lieux de divertissement.
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Kokyû - 胡弓
(Cordes frottées)
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Origine : Inspiré dun instrument chinois à trois cordes importé à Edo vers 1720, il gagne cependant une quatrième corde lors de son arrivé au Japon. On peut le considérer comme un simple dérivé avec archet du shamisen, quand dautres évoquent aussi des rumeurs dinfluences dinstruments occidentaux introduits au Japon par les Portugais.
Caractéristiques : Proche du shamisen par sa forme, linstrument est par contre de dimensions un peu plus modestes, puisquil mesure en général 69 cm. On qualifiera le kokyû de vièle, étant le seul instrument japonais à être frotté avec un archet. Sa caisse est carrée ; le fond et la table étaient à lorigine des membranes collées sur les bords, faites de peau de serpent, avant que la peau de chat ne soit utilisée, comme pour le shamisen. Le manche est fixé au milieu de la paroi supérieure de la caisse de résonance.
Larchet utilisé pour en jouer est en bois dur, avec un arc démontable.
Jeu : Il est un peu semblable à celui dun petit violoncelle : lartiste est assis sur les talons et tient le kokyû droit, ce dernier reposant sur une pique métallique et devant être basculé autour de cet axe de manière à présenter les cordes à larchet. Linstrument était à lorigine prévu pour être transporté assez fréquemment. Les crins de larchet étant très lâches, ils sont tendus par les doigts : cette caractéristique permet de fournir des effets variables de tensions qui se conjuguent à ceux obtenus par létirement choisi pour les cordes à travers le chevalet, très mince et très haut.
Il partage deux accords avec le shamisen, le sansagari et parfois le niagari (voir jeu du shamisen), mais nutilise jamais le honchôshi, son accord classique.
Sonorité et usage : Le kokyû possède un timbre proche de celui du violon, même si moins étendu, et sa sonorité est plutôt aiguë. Cela en fait un excellent soutien du chant, permettant reprises mélodiques et illustrations émotives aussi vives que subites, par son vibrato assez ample. Il a ainsi longtemps été linstrument favori des musiciens ambulants, quil sagisse de groupes populaires ou de prêtes itinérants. Il sagit également dun ancien instrument de lensemble Sankyoku*, où il a été supplanté par le shamisen. Il a toujours sa place au sein de l'orchestre du Geza*, où il est surtout utilisé comme instrument dépoque ou datmosphère dans des scènes du Kabuki* et du Bunraku*; on le retrouve également en tant qu'instrument de divertissement dans certains banquets.
* Ces termes, qui se référent à différents genres musicaux appartenant au domaine de la musique traditionnelle japonaise, font lobjet dune présentation spécifique dans la troisième partie de ce dossier, « Les différents genres musicaux de la musique traditionnelle japonaise». Nous vous invitons donc à consulter la partie concernée pour plus dinformations.