Dossier

Les musiques liées au théâtre

02/07/2007 2007-07-02 12:00:00 KoME Auteur : Loic

Les musiques liées au théâtre

Présentation des musiques liées au théâtre : Jôruri, Kabuki, Bunraku, Nô et orchestre du Geza


© Tanja
(Légende de la photo à droite : Scène de Kyôgen, interludes comiques présents dans les représentations du théâtre Nô. Photo prise par Tanja au Gion Corner, théâtre situé dans le quartier Gion de Kyôto et réputé pour sa pratique des traditions.)

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4) Jôruri - 浄瑠璃
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Les Jôruri sont un ensemble de textes destinés à être récités ou psalmodiés et qui ont connu divers destins : accompagnés dans un premier temps de la musique d’un biwa, puis d’un shamisen, ils sont par la suite devenus la base de genres théâtraux tels que le Bunraku et le Kabuki.

Historique :
L’origine des Jôruri vient des conteurs ambulants contant des légendes tirées du Kojiki et du Nihonshoki en s’accompagnant du biwa dès le 8ème siècle. Leur nom vient de l’adaptation en musique au 15ème siècle par un joueur de biwa renommé de l’ouvrage Jôruri Monogatari, l’accompagnement délaissant à présent le biwa. A la même période, on associe à ces contes musicaux des spectacles de marionnettes, qui faisaient alors office de propagande religieuse, illustrant des épisodes de la vie de Buddha ou des saints. Cette forme de théâtre de prosélytisme appelée Sekkyô céda rapidement la place aux Ningyô-Jôruri, conteurs de récits profanes dérivés de la déclamation épique née au 13ème siècle et qui trouvait son incarnation dans les joueurs de heike-biwa (cf. présentation du biwa). Ces spectacles de poupées animées deviendront le théâtre Bunraku, dont le répertoire sera rapidement repris par le théâtre Kabuki.

Formation musicale :
Le Jôruri est un type de récitation modulée. Celle-ci est d’abord ponctuée de coups d’éventail ou accompagnée au biwa, puis on préfère l’accompagner au shamisen. Chaque école développe son propre style de Jôruri, tant dans les différences instrumentales que dans les variations du climat musical ou que pour les techniques vocales.
Les types de Jôruri pouvant toujours être entendus de nos jours sont ceux qui se sont développés avec les musiques de théâtres : Gidayû, Tokiwazu, Kiyomoto…
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5) Musique du Nô - 能
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Le Nô est, avec le Kabuki, la forme musicale japonaise la plus connue de par le monde, étant défini en fait comme un genre musical dramatique. Il ne s’agit pourtant là pas de théâtre à proprement parler, mais plutôt d’une fusion de différents arts, musique, scène, chant et danses : il s’agit donc plutôt d’un art synthétique. Il est pour beaucoup la quintessence de l’esprit scénique japonais, malgré une réputation de difficulté d’accès tenace, car justifiée.

Historique :
Il est difficile de dater précisément l’apparition véritable de ce genre, car il s’est en vérité formé par diverses influences, apports tant musicaux que du domaine de la danse. Le mot même de Nô est une abréviation pour Sarugaku no Nô, genre populaire dérivé de spectacles chinois introduits sur l’archipel dès l’Antiquité. C’est aux 14e et 15e siècles que le Nô gagne en popularité, devient le spectacle favori de l’aristocratie et prend la forme qu’on lui connaît aujourd’hui, sous la direction de deux auteurs compositeurs, Kan-ami et son fils Zen-ami, patronnés par le Shôgun Ashikaga alors en place. Ils fourniront notamment environ 200 drames sur un répertoire de 2000. Peu d’évolution depuis, le genre se suffisant dans sa volonté de perfection scénique.

Formation musicale :
Elle repose sur trois instruments : une flûte, la nô-kan, et trois tambours, les ko-tsuzumi, ô-tsuzumi et taiko. La flûte se permet d’esquisser parfois des mélodies, mais ne soutient pas le chant : elle est le vecteur de motifs musicaux codifiés qui ponctuent l’action du drame joué (rythme de la danse qui commence, délimitation des différentes parties de la pièce…). Les tambours sont utilisés pour marquer la mesure et garder le rythme, mais eux non plus n’accompagnent pas, ils se contentent de formules rythmiques, ce rythme qui est donc le cœur musical du Nô.
Un chœur de récitants est présent, en plus des acteurs masculins qui déclament leur texte sous forme de chant ou de psalmodies. Le chanteur et le chœur chantent séparément, et s’ils sont réunis, c’est toujours dans l’unisson. Il y a une grande facilité, somme toute très japonaise, à glisser du parlé au chanté : le chant du Nô fait d’ailleurs appel aux techniques du chant et de la pseudo-narration bouddhiques.

A cela s’ajoute les phases de silence, appelés ma, qui revêtent un rôle des plus importants dans l’action jouée, le spectacle s’appuyant totalement sur les expressions dansées des acteurs.
La structure musicale des pièces tient généralement en trois à cinq actes, séparés par des intermèdes comiques appelés kyôgen. Bien que variable, elle épouse souvent le schéma bien défini du jo-ha-kyû (introduction – exposition – dénouement), tant dans la musique que pour le chant des acteurs ou des chœurs.
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6) Musique du Bunraku - 文楽
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Le mot Bunraku désigne les spectacles traditionnels de marionnettes, qui sont à l’origine du théâtre Kabuki. Il s’agit en fait plus précisément de récitations de Jôruri sur un accompagnement au shamisen, tout en illustrant le conte par des marionnettes, d’où leur ancienne dénomination de Ningyô-Jôruri (ningyô signifiant la poupée, et par extension, la marionnette). Le nom actuel de Bunraku vient d’une salle spécialisée dans ces spectacles, le Bunraku-za.

Historique :
On suppose que les premières représentations de Bunraku ont eu lieu dès le début du 17ème siècle. C’est à cette époque en effet que Takemoto Gidayû, associé au dramaturge Chikamatsu Monzameon, écrit quantité de pièces du genre, léguant son nom à la musique de ces théâtres. Le répertoire du Bunraku est en effet fortement dominé par le Gidayû, qui va s’immiscer par la suite dans le Kabuki, genre qui supplante rapidement le Bunraku dans le cœur du public. A la fin du 18ème, malgré l’ouverture à Ôsaka du théâtre Bunraku-za, la concurrence du Kabuki ne laisse que peu de place au Bunraku, et le Kabuki s’est par ailleurs approprié la majorité du répertoire musical du théâtre de marionnettes.

Caractéristiques et formation musicale :
L’orchestre du Bunraku pour le répertoire du Gidayû est limité à la présence du shamisen et d’un chanteur-narrateur. Ses autres formes peuvent éventuellement inclure un orchestre de Geza (cf. Geza). La voix fait parler et vivre les poupées, tandis que le shamisen est chargé de guider, de rythmer l’action et de synchroniser la musique aux mouvements des marionnettes. Pour le narrateur-chanteur, le Gidayû est un exercice des plus ardus : il faut combiner jeu d’acteur, mimiques faciales et gymnastique vocale. L’action comme la musique sont des plus turbulentes et mélodramatiques, expression directe de la passion et du tempérament japonais. Le shamisen s’appuie sur des motifs types, et l’on distingue nettement trois registres de vocalisation : parties instrumentales, parties narratives appelées kotoba, sans accompagnement de shamisen ; parties lyriques, fushi, d’intense émotion ; enfin, narrations rythmées par le shamisen, appelées ji.

A l’heure actuelle, on présente toujours des pièces classiques au Bunraku-za, ainsi qu’au Théâtre National de Tôkyô.
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7) Musique du Kabuki - 歌舞伎
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Le Kabuki est, avec le Nô, l’une des formes majeures du théâtre japonais, et se veut également une fusion de différents arts : le mot même se compose de caractères signifiant chant (ka), danse (bu) et technique (ki). Dans le domaine musical, l’importance est donc donnée à la narration et au récitatif, dont la musique est l’accompagnement. Le Kabuki hérite également de diverses influences musicales, principalement de celle du Bunraku, et donc également de celle du shamisen.

Historique :
La première référence au Kabuki remonte à 1603, première année de l’époque Edo, dont il devient la forme théâtrale favorite. Le genre est né de l’initiative de danseuses et chanteuses qui se sont certainement inspirées d’arts populaires. S’agissant pour la plupart de prostituées occasionnelles, ces actrices furent interdites de scène, et on les remplaça tout d’abord par de jeunes garçons, puis par des hommes exclusivement, dont certains se grimaient pour jouer les rôles féminins (les fameux Onnagata). A la fin du 18ème siècle, les pièces se diversifient, sous l’influence d’auteurs spécifiques. Après une période de déclin au début du 20ème siècle, le Kabuki retrouve une grande popularité après-guerre et les pièces sont de nos jours toujours représentées dans des salles spécialisées.

Influences et caractéristiques :
Comme déjà précisé, la musique du théâtre Kabuki est au service de la voix et du chant, et la musique vocale peut déjà se distinguer entre deux catégories. La première, Utamono (les choses chantées), se concentre sur le rythme et la mélodie, il s’agit de la musique lyrique du shamisen, en général. La seconde, Katarimono (les choses racontées) s’appuient davantage sur le texte.
Les apports sont divers : ils commencent avec la technique du shamisen, dont il a d’abord adopté les genres kumi-uta (des chants populaires de la région d’Ôsaka) et ko-uta (de courts chants modernes), avant de les amplifier en naga-uta, des chants longs, qui constituent par la suite le cœur même du Kabuki. On y retrouve trois chanteurs, un principal (parfois en solo, pour les passages dramatiques) et deux secondaires, ou les trois en chœur. Ces voix sont soutenues par un orchestre proche du Nô, que l’on nomme hayashi. Il est constitué du shamisen, d’une flûte à sept trous, de deux tambours du Nô (ô-tsuzumi et ko-tsuzumi) ainsi que du taiko. Il s’agit d’ailleurs du seul genre du Kabuki à faire usage d’autres instruments que du seul shamisen.
L’influence du Bunraku est également indéniable, et toutes les pièces provenant du théâtre de marionnettes sont classées sous le genre Gidayû (cf. Bunraku), sorte de transposition par des acteurs vivants de pièces écrites pour des poupées. A l’exception de certaines pièces dansées, l’accompagnement du Gidayû comprend deux interprètes : un joueur de shamisen et un récitant, association nommée chobo. De cette forme de Jôruri sont nés deux courants au Kabuki : le Tokiwazu et le Kiyomoto. Le premier est utilisé pour accompagner les pièces dansées, et se veut un compromis entre mélodie et texte empreint de passion et de nostalgie. Le Kiyomoto s’est développé à partir du Tokiwazu, apportant des innovations dans sa construction par l’apport de chansons populaires du temps. L’accent principal est cette fois mis sur la mélodie, et il est employé encore une fois pour les pièces dansées.
Enfin, le Kabuki partage avec le Bunraku l’emploi de la musique de Geza, un orchestre « de coulisse » à ambiance (cf. Geza).
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8) Geza - 下座
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Orchestre dissimulé au public, la musique de Geza est présente au Bunraku et au Kabuki. Il s’agit d’un élément musical important qui est chargé de transmettre les atmosphères d’une pièce : elle possède donc un caractère expressif indispensable. Il s’agit d’assurer les effets sonores, les bruits qui soulignent l’action, les mélopées qui situent l’action ou le personnage.
L’exercice de style que représente la musique de Geza est une tradition qui s’est surtout développée et codifiée vers la moitié du 18ème siècle.

Formation musicale :
Les instruments sont divers et nombreux, avec une grande dominance des percussions. On y trouve des tambours (l’ô-daiko, qui domine l’interprétation, évoquant les différents éléments naturels selon son attaque, mais aussi l’okedo, le daibyoshi, ke gakudaiko, l’uchiwadaiko…), des cloches (hontsurigane, orugoru, rei…), des cymbales (dora, soban, atarigane…), un xylophone (le mokkin) ou encore des claquettes et castagnettes, le hyoshigi étant par exemple l’une des signatures musicales du Kabuki, rythmant l’ouverture et la fin de l’action de chaque scène.
La codification des différents instruments permet d’évoquer facilement les différents tableaux du drame joué : tambours pour les moments de tension et le danger, la nuit et les voleurs ; les flûtes pour la nature et les paysages ; les appeaux pour évoquer la saison de l’automne…
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