[e]motion.
Les
Epik High reviennent avec deux albums réunis sous un seul
[e], pour notre plus grand plaisir. Le premier s’appelle
[e]motion, et regroupe donc les chansons qui parlent de sentiments et de colère, de joie et de peine, d’émotions. Le second est
[e]nergy, et se compose de pistes beaucoup plus rythmées. Ces deux facettes montrent que les
Epik High savent jouer de leur art sur tous les tableaux, et c'est réussi. A nouveau, ils surprennent, on ne peut alors qu’adhérer…
La première chanson se nomme
Oceans. Sand. Trees. Avec cet opening tout en douceur et amertume, le ton de l’album est donné. Mélancolie, dénonciation, rancœur, les
Epik High ne se privent pas dans cet album qui montre tout leur art et leur talent, faisant d’eux des artistes uniques en Corée, mais aussi dans le monde. Ce sont juste quelques notes de piano délicatement posées ici et là, et pourtant cette chanson touche en plein cœur. Elle ressemble aux airs que l’on peut trouver dans les belles animations japonaises telles que
Le Voyage de Chihiro, composées par
Joe Hisaishi. On se sent ailleurs, presque transportés, comme dans un rêve chargé de brume. Alors, rêvons…
La deuxième chanson
Slow Motion est radicalement différente. La diversité est le fondement d'un bon album, et les
Epik High ne se trompent pas ici. Musique sombre, la voix est accusatrice et basse, l’arrière son est entraînant. Le refrain semble venir d’ailleurs, avec des voix lointaines et douces. « Love and pain » voilà qui résume cette chanson. Quelques notes de piano viennent interrompre la voix de
Tablo et le titre s’approfondit avec le rap de
Mithra. A nouveau nous sommes plongés dans un rêve, gris cette fois, et immobile. Lent.
Slow Motion. Une très bonne musique.
Puis, changement de registre. Les quelques notes de piano annoncent une musique douce et tendre, un air plus entraînant, plus gai.
Seonmul est une ballade-rap comme seuls les
Epik High savent les faire, avec quelques notes de piano qui touchent notre cœur et leur voix qui semblent écrire une histoire. C’est une collaboration avec
Park Ji Yun, une voix féminine et douce, triste également, elle casse le rythme du rap pour ensuite se mélanger avec, apportant de la complexité et du charme à cette chanson qui aurait pu ennuyer sans cet interlude de chant.
Epik High ne surprend pas avec cette piste mais elle ne laisse tout de même pas indifférent. Il faut savoir l’écouter et la savourer.
No more christmas, avec ce titre, on pouvait se demander où cette chanson allait nous emmener. Du piano, le bruit des vagues,
Tablo un peu énervé, argent, joie, peine. Ce n’est pas une comptine de noël, évidemment… Un rythme triste et détaché, marqué par les « no more christmas » qui pèsent lourdement sur la musique. La magie de noël a disparu et nous en sommes très loin, même si nous pouvons la percevoir avec les quelques voix qui apparaissent vers la fin, émerveillées par cette fête normalement heureuse. Normalement…
Maze, nouveau registre, nouveau ton. Du piano et une batterie. « Life is a maze », cette chanson est en anglais et pour les européens, c’est un beau cadeau. Elle raconte l’histoire d’un homme perdu dans le labyrinthe de la vie, portant des fardeaux sans le vouloir, elle est plus rapide que les précédentes, nous enfermant nous-mêmes dans un labyrinthe de mots dangereux. Comme souvent pour les chansons anglaises, c’est une collaboration avec
Dumbfoundead et
MYK. Les paroles sont particulièrement brillantes et le rap les met en valeur, les
Epik High sont sur un terrain conquis. Ils savent ce qu’ils font et cela se ressent, cette musique est vraiment très réussie, les mots s'écoulent, fluides et nous sommes perdus, nous aussi, dans leur labyrinthe, l’anglais permettant de nouvelles intonations plaisantes. Les
Epik High sont des conteurs réussissant encore une fois à nous faire entrer dans leur univers emplis de dénonciations et d’amertume. Tout simplement Bravo.
Tongitta commence par des rires, on peut donc dire que l’on change radicalement de registre. Les
Epik High parlent et s’amusent en coréen. Ce n’est pas réellement une chanson, à part quelques notes de guitare à la fin qui sont vite suivies par des rires moqueurs. Il faut donc être coréen pour savourer ici leur humour, ce qui n’est pas mon cas. Dommage.
La septième chanson du premier CD est
Teuroto. Chanson en coréen,
Mithra prend le micro en premier et la chanson est entraînante avec de nombreuses associations répétées qui lui donne un rythme rapide et enjoué. Une voix d'homme s’élève soudain et ajoute un nouveau ton à la chanson, un peu plus désespéré. On entend ici et là des notes de guitare sur un air espagnol, cette collaboration est particulièrement bien réussi vis-à-vis du mélange chant et rap qui s’entremêlent au son d’une guitare sèche, puis électrique, rendant ce titre particulièrement original et attachant.
Ensuite vient
Emologue. Une chanson courte et pourtant intéressante. Elle trace un lien direct avec le nom de l’album, et rythmée par des mots en anglais se terminant par « tion », la voix devenant alors un instrument qui dénonce sans phrases. On finit sur le mot « emotion », le leitmotiv du premier CD. C’est une belle petite transition.
S’ensuit ensuite
Excuses en collaboration avec
MYK. Elle est également en anglais. L’art des
Epik High est à nouveau dévoilé, avec des paroles magnifiques, profondes, intelligentes, des répétitions de sons et de voyelles que l’on trouve généralement chez les plus grands poètes. Aussi doués en anglais qu’en coréen, les
Epik High jouent avec les mots et tissent leur toile de dénonciations. La voix de
MYK donne un ton détaché et ajoute une sorte de mélancolie à cette piste plutôt polémique. On ne peut qu’être attentif à ce genre de bijou musical, autant sur le plan des paroles que des sons. C’est un poème chanté, un poème qui vous accuse, nous accuse, les accuse. Ici, les
Epik High affirment que l’on tourne trop le dos à ses propres péchés, dénonçant plus facilement ceux des autres. Pourtant, personne n’est innocent. "Blame Yourself", voilà la morale à retenir. Les
Epik High présidents ? Des fois, on en rêverait…
Moonwalker, dixième chanson de l’album, du premier CD. On trouve ici des sons plus électroniques, la voix de
Tablo s’élève dans la nuit et à nouveau raconte une histoire. Sa voix a perdu de sa douceur et avance dans le noir comme un prédateur. La musique est rythmé par les « I’m a moonwalker », qui peu à peu se font entendre de plus en plus fort, tel un crescendo bien mesuré. La tonalité de cette chanson est différente du reste de l’album, plus mystique peut-être. Les
Epik High ont brillamment su retranscrire l’ambiance d’une nuit un peu inquiétante. Perdu dans un labyrinthe, puis dans le noir de la nuit. C’est réussi.
La chanson suivante est une chanson de
Mithra et s’appelle
Breathe. C’est une collaboration avec
Han Hee Jung. On pourrait regretter le manque d’originalité de ce titre. Du rap, beaucoup de rap, la voix d’une femme, du rap… cela ressemble beaucoup à de nombreuses autres pistes des
Epik High. Mélancolique et un peu lente, elle plaira aux addicts du genre.
Happy birthday to me ! Après noël, un anniversaire, mais quelle est cette ambiance festive ? Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette chanson est loin, très loin de laisser transparaître farandoles de sourires et gâteaux à la crème. Du piano, encore, et on ne s’en lasse pas, une collaboration, aussi, qui sublime la chanson. La voix traînante de
Hi Dong Kyun donne une ambiance tout à fait particulière à cette chanson bouleversante, de même que le piano rapide et triste, ce titre vous serre le cœur, tout simplement. Une chanson absolument magnifique. A déguster un soir de mélancolie, les yeux fermés, un jour où le monde semble vous avoir abandonné. On comprend avec ce titre la beauté de l’album des
Epik High. Tant de différences entre les titres qui savent pourtant tous vous toucher car on trouve de la beauté dans ces notes. Et de la sincérité. Un beau moment de vérité.
Le titre suivant est
Heaven, une collaboration avec
MYK. La chanson commence avec quelques notes de guitare, à la fois sereines et mélancoliques.
Mithra inscrit son rap sur ce fond et ensuite c’est la voix de
MYK qui nous annonce qu’il n’y a nulle part où aller, c’est une chanson d’amour et le paradis devient alors la femme aimée. Le titre est calme et simple, sans non plus être bouleversant. Une bonne chanson, sans plus.
Du vent, un piano, rythmé par un arrière son plus lourd, plus grave, c’est froid, enneigé, et beau.
Owls est une chanson instrumentale, magnifique comme les
Epik High savent toujours les faire. Ils n’ont pas besoin de leur voix pour nous raconter une histoire. De simples notes suffisent.
[e]nergy.
L'intro de ce second album se nomme
Orchestras. Spotlights. Turntables (ft MYK). Ce titre rappelle évidemment celui de l'intro d'
[e]motion, lui aussi composé de trois mots en anglais. Mais le décalage entre ces mots et leur sens montre la nuance de ton entre ces deux CDs. Le premier parlait des bruits de la mer, du souffle du vent et de la mélancolie qui accompagne ces images naturelles. Le deuxième prend la voie de la technologie et des lumières artificielles, et c'est avec plaisir que l'on se perd dans des musiques plus synthétiques, mais non moins intéressantes. Cette intro nous mène donc directement dans une autre atmosphère, les bruits de fond sont mixés, le piano est oublié et on se retrouve perdu dans une ville moderne, grise et sombre. C'est une bonne entrée en matière.
Le deuxième titre est
Still Here (feat. Dok2). Le rap de
Dok2 est différent de celui des
Epik High, plus gangster, plus américain, la voix est traînante et plus détachée. Le mot clef est "technology", la voix de
Tablo et
Mithra est agressive et les mots s'enchaînent vite, on en attend pas moins d'une chanson de rap un peu virulente des
Epik High.
La troisième chanson est
Sensitive Thug. On entend peu souvent
Tablo dire un "hey girl" au début des chansons, comme un bon boysband pourrait le faire, pourtant c'est le cas pour ce titre. Mais détrompez-vous, la chanson est loin de raconter une histoire d'amour romantique et un peu niaise, et on pourrait même se demander si ce "hey girl" n'est pas carrément moqueur. La voix de
Tablo est traînante et inquiétante, et le leitmotiv est "sensitive thug", qui revient souvent dans la chanson, comme s'ils nous narguaient. En effet on remarque un certain ton cynique et moqueur dans la voix des deux rappeurs, qui racontent l'histoire d'un voyou sensible. Dans le thème, on trouve alors le son d'un pistolet et d' autres armes rebelles, les voix sont celles de gangsters mais qui ne se prennent pas au sérieux, comme le montre la fin de la chanson, où l'on peut percevoir quelques sanglots assez comiques. Une chanson très intéressante, et de mon point de vue, relativement drôle.
La chanson suivante est
Wannabe. Pour ceux qui ont vu le clip, ce titre est mythique. Les
Epik High revisitent un film culte coréen :
The Host, racontant l'histoire d'un monstre visqueux qui s'attaque aux habitants de Seoul, mais derrière cette histoire peu réussie de monstres à la Godzilla, c'est tout une dénonciation par le grotesque et un certain humour noir qui se cache derrière ce chef d'œuvre coréen. On ne s'étonne alors guère que les
Epik High se soient inspirés de cette histoire.
Wannabe est une chanson rythmée qui, dans ses sonorités, ressemble plutôt à des titres comme
One. On sent ici que les rappeurs s'amusent, la voix de
Mellow, féminine, apporte de la fraîcheur et de l'énergie à cette chanson qui n'en manque pas. La chanson est entraînante et réussie, on ne s'en lasse pas.
Rocksteady est sur la même longueur d'ondes, un rythme entraînant, un groove urbain ainsi qu'un rap précis, du
Epik High maîtrisé et sympathique à l'écoute.
Le titre suivant est intrigant étant donné qu'il s'appelle
Madonna. On comprend vite pourquoi, rapidement on peut entendre une voix ressemblant à celle de
Madonna entamé un "dance like a virgin on the dancefloor" en référence à sa chanson
Like A Virgin. C'est donc avant tout une chanson pour bouger, en arrière plan on peut entendre des sons synthétiques, le rap est rapide et fluide. Une musique originale et intéressante.
Mallomean reprend des sonorités de piano et d'instruments traditionnels coréens en y insérant des sons plus neufs et électroniques. A nouveau, on peut entendre des allitérations agréables à l'oreille, même si le refrain ressemble plutôt aux musiques américaines de rap un peu subversif avec ses "shut up". Les
Epik High se seraient-ils transformés en gangster ? Cette atmosphère "bad boy" n'est pas désagréable et ils maîtrisent parfaitement le style.
Shopaholic est un coup de coeur. Les
Epik High nous racontent l'histoire d'une fan de shopping en rendant la chose relativement grave et abordent de nombreux thèmes comme l'univers des stars, l'envie, les frustrations et les rêves qui finissent au placard. Confondre la possession et le bonheur, n'est-ce pas un thème de société ? La chanson innove avec quelques notes de guitares et des sons plus synthétiques qui s'accordent parfaitement, montrant que l'on peut combiner l'ancien et le neuf pour créer une belle chanson. Les
Epik High utilisent les différents sons et instruments comme de la pâte à modeler, mélangeant, brassant, pour donner à la fin des créations originales et touchantes. C'est une très bonne musique, qui parle de consommation et de bonheur. Les
Epik High ne font pas des paroles pour couvrir la chanson, ce sont bien les paroles le centre d'intérêt de leurs titres, ce qui est plutôt rare à notre époque. Rare, et agréable.
Supreme 100 rappelle immédiatement les raps de rue, le freestyle et les battles.
Tablo semble utiliser le son d'un portable pour toute musique, on entend également le bruit de quelques voitures de police. On s'y croirait presque. Les allitérations et assonances s'enchaînent à nos oreilles et on peut dire que oui,
Tablo est un poète. Un poète des rues, perdu entre des murs tagués et des bâtiments gris. Des fois, on aimerait avoir des rappeurs aussi talentueux en France...
High Technology parle de nouvelles technologies et utilise ces mêmes technologies comme sons pour la chanson, la boucle est bouclée. Une chanson très électronique en accord avec son thème, le pari est réussi.
High School dropout est une chanson plutôt amusante sur le thème de l'école. On entend alors des voix d'écoliers et quelques sons marrants, on y retrouve des profs et des élèves, autres "ABC", rire et guitare électriques.
Hyung est une chanson très certainement intéressante mais, n'ayant pas les paroles à dispositions, je réserve mon jugement.
En ce qui concerne
Lesson 4 (Tablo's words) la musique lui ressemble. Des sons percutants et un peu inquiétants, une musique que l'on n'a pas envie d'arrêter, des murmures et des voix distantes, tout est dans la mesure. La voix varie selon un éventails de couleurs et de tonalités qui marquent. Ici, elle devient un instrument. Les rythmes sont divers et la chanson se perd dans sa complexité. On y trouve également quelques notes de piano qui donnent un air triste au titre. C'est une très belle chanson, et ses mots sont toujours aussi incisifs et brillants.
Cela commence par une piste de radio que l'on capte mal. Une chanson instrumentale pour clôturer ce bel album qui nous a fait voyager au travers d'un monde de mots et de musiques à la fois touchantes et brillantes, intellectuelles et artistiques. Les
Epik High n'ont désormais plus rien à prouver, poètes des temps moderne, ce sont des artistes complets et intéressants à tout point de vue. Ils dénoncent les choses avec tant de convictions et de beauté que l'on a simplement envie de s'assoir et d'écouter. Et c'est un peu magique, n'est-ce pas ?
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Taiyou.